Ma fille.
Grande Soeur, l'aînée des mes trois bonheurs.
Je n'en ai pas parlé.
Difficile.
Mais il faut que je le fasse.
Elle est née en 1968.
Jolie bébée.
Plein de cheveux noirs.
Un teint mat.
Des yeux noirs.
Le médecin de famille disait d'elle : " avec des yeux comme ça... ".
Elle grandit sans problème véritable.
Un caractère très affirmé.
Il fallait veiller à ce qu'elle ne rabaisse pas Grand Frère rêveur, poète.
Il admirait Grand Soeur.
La première fois où elle se rebella elle avait 5 ans.
J'allais les chercher tous les deux à l'école.
Un jour la poche de son tablier bien gonflée, je demandai ce qu'il y avait dedans.
Elle se renfrogna.
La maîtresse, une femme exceptionnelle de gentillesse approcha.
Lui demanda ce qu'il se passait.
La petiote rentra dans sa classe et vida sa poche.
Elle avait "barboté" des légos.
" Un oubli" dit la maîtresse en souriant.
Nous partîmes vers la maison, Grand Frère me tenant la main.
Elle suivait, derrière.
En imitant ma démarche.
Arrivés chez nous je m'assis sur la marche de l'escalier et me mis à pleurer.
Elle vint se blottir près de moi.
Plus tard, vers 13 ans, elle vola une ou deux K7 au super-marché du bourg.
Elle me dit que c'était juste pour voir ce que cela faisait.
Qu'elle ne le ferait plus.
Voila tout ce qu'elle fit de travers.
Elle ne jouait pas avec son frère, indifférence.
Lui avait une ribambelle de copains et vivait en dehors d'elle.
Cela me peinait fortement mais que faire ?
Elle aimait l'école, excellente élève.
Elle vécut en partie l'épisode dramatique de mon presque mariage avec Lalm.
Son comportement dans ces moments très difficiles fut bon.
Grand Frère était à Nouméa avec son père.
Je n'ai pas assez parlé avec elle une fois l'épisode traumatisant derrière nous.
J'avais tellement envie de passer à autre chose.
Ce n'est pas une excuse, juste une explication relativisée après coup.
Au lycée, pensionnaire, elle resta 3 jours.
Je l'inscrivis au lycée privé dans notre village.
Elle ne voulait absolument pas quitter la maison.
Nous venions de "changer de rue" la semaine avant la rentrée.
Dès son retour elle se démena.
Repassant, défaisant des cartons, s'occupant de Petit Homme.
Une amie présente dit : " regarde, elle te montre que tu ne peux pas te passer d'elle" !
Grand Frère commençait sa crise d'adolescence.
Je travaillais beaucoup, en plus des kilomètres journaliers.
Chacun avait des tâches précises, choisies.
Grande Soeur mettait les lessives en route et à sécher.
Grand Frère devait ranger la cuisine.
Petit Homme avait décidé de... nettoyer les cabinets.
Trop heureux de jouer avec le pistolet nettoyeur.
Une personne venait faire le ménage et repasser.
Je passais ma fin de semaine à faire les courses, préparer les repas pour la semaine.
La Cogéma voulait transformer le pays en division minière, je militais beaucoup.
Mes deux grands passaient un WE/2 avec leur père, la moitié des vacances.
Noël, anniversaires avec grands parents paternels et leur père chez moi.
Parent isolé, je me débrouillais plutôt bien.
L'été je travaillais dans un endroit magnifique.
Mes loustics pouvaient y être en vacances.
Cela mettait du beurre dans les épinards.
Plutôt de l'argent pour leurs futures études.
Ma boite me lâchait deux mois.
Cela l'arrangeait, je pouvais ainsi travailler plus quand il y avait vraiment du boulot.
Quatorze mois de salaire, un plus non négligeable.
J'ai pris sur moi pendant ces années pour ne pas flancher.
Ils devaient avoir un démarrage dans leur vie d'adulte avec de véritables choix.
C'était un de mes buts.
Je m'y accrochais.
Au détriment de quoi ? Je ne sais pas.
Nous étions unis, plutôt joyeux.
A suivre...